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Lettre ouverte aux détracteurs de David Goffin

Trop, c’est trop. Vraiment.

Evidemment que, comme tout amateur de tennis, je suis frustré par les défaites répétées de David Goffin et, bien entendu que je suis attristé par sa chute au classement qui pourrait lui valoir de ne pas entrer dans le tableau final de Wimbledon.

Evidemment, et je l’ai souvent écrit ici, je suis parfois énervé par son langage corporel et, parfois, souvent, j’aimerais qu’il exprime davantage sa colère. Qu’il soit plus expressif quand il est sur le terrain et que l’on puisse davantage voir son envie de vaincre.

Mais, franchement, aujourd’hui, j’ai envie d’écrire à ceux qui ne cessent, à chaque défaite, de lui en vouloir!

On ne peut pas en vouloir à un sportif qui perd. On peut en vouloir si le sportif ne fait pas tout ce qu’il faut. On peut en vouloir à un tennisman qui s’en moque ou qui balance des matches.

Mais un tennisman qui perd a juste le droit de perdre.

Et encore une fois, très franchement, même si son attitude peut légitimement laisser croire à ceux qui ne le connaissent pas, que David n’est pas motivé sur le terrain, je peux vous assurer, chers détracteurs, que le premier frustré, le premier déçu, le premier écoeuré, c’est lui et bien lui.

Car oui, messieurs et mesdames les détracteurs, David a envie de continuer à gagner. Oui, bien entendu, qu’il préférerait être encore ans le confort du Top 50 que dans le ventre mou du classement qui sera le sien d’ici quelques jours (117) et qui l’obligera à passer par les qualifs, pas uniquement en Grand Chelem mais aussi dans des ATP 1000, ATP 500 et, même, parfois des ATP 250.

Oui, David Goffin est et reste un grand professionnel et, avec toute son équipe, il est évident qu’il essaye de retrouver le chemin de la victoire.

Mais voilà, en tennis , comme dans toutes les disciplines individuelles, le travail ne suffit pas. Il est nécessaire de gagner un, deux, trois matches d’affilée pour retrouver la confiance.

Une série de succès que David n’a plus réussi à aligner depuis sa victoire au BW Open de Louvain-La-Neuve.

Ce que vous avez tendance à oublier, messieurs et mesdames, c’est que David n’a pas été marqué par la réussite depuis quelques années. Les blessures se sont multipliées et, cette année encore, il a dû quitter le circuit pendant 45 jours, après son premier tour victorieux à Marseille.

Ensuite, il a juste perdu des premiers tours face à des joueurs qui étaient, sur papier et sur terrain, des adversaires compliqués: Schwartzman, Nishioka et, hier à Madrid, Carballes Baena.

Que l’on me comprenne bien: il est évident que, en pleine confiance, David aurait pu battre ces trois joueurs. Mais voilà, il est dans une spirale négative et il faudra un coup de fouet pour que cette spirale s’inverse. Si elle s’inverse un jour, ce qui n’es pas certain.

David est loin d’être le seul dans le cas. Chaque situation est évidemment différente et comparaison n’est pas raison.

On peut cependant tout de même évoquer Dominic Thiem, Stan Wawrinka, Thanassi Kokkinakis, Aslan Karatsev, Fabio Fognini, Denis Kudla et, bien entendu, son copain Lucas Pouille. Tous ces joueurs, et bien d’autres, ne parviennent pas à retrouver un niveau de jeu et, surtout, de confiance, qui leur permettrait de retrouver un ranking digne de leur niveau d’antan.

Je lis aussi des remarques du genre. Mais pourquoi diantre continue-t-il à jouer les gros tournois?

C’est assez simple. A 32 ans, David est un joueur professionnel. Et, tant que son classement lui permet d’entrer dans des gros tournois, il va les jouer. Je sais que j’ai écrit il y a quelques semaines que Zizou Bergs devait changer d’optique et privilégier des tournois Challengers.

La comparaison n’est pas valable. Zizou est un jeune joueur qui n’a pas (encore?) le classement et l’expérience lui permettant d’entrer dans les ATP 500 ou 1000. Il est donc nécessaire, à mes yeux, qu’il franchisse les étapes. Sa victoire à Tallahassee semble d’ailleurs démontrer que je n’avais pas tout à fait tort même si, c’est une évidence, l’expérience acquise dans les grands rendez-vous peut avoir influencé ces résultats.

En 2014, quand il était sorti du Top 100, David Goffin a d’ailleurs retrouvé des couleurs via des Challengers et a alors réussi une série impressionnante de 25 succès de rang!

C’était il y a 9 ans et Davis avait alors 23 ans, l’âge de… Zizou aujourd’hui.

Donc, oui, évidemment que David va continuer à aller dans les grands tournois tant que son classement le lui permet. (A noter que les classements pris en compte pour définir l’accès ou le non accès au tableau final est celui qui sort 4, 5 ou 6 semaines avant ledit tournoi. Ce qui veut dire, pour parler clair, que le classement de 117 ne sera pris en compte que plus d’un mois après la sortie du prochain classement ATP.

Ensuite, en fonction des résultats, David n’aura sans doute pas d’autre choix que de retouner sur les ATP 250 et les Challengers. Le fera-t-il avec autant de réussite qu’il y a 9 ans?

Impossible de l’affirmer. D’une part, je l’ai dit, David a 9 ans de plus, il a une carrière incroyable derrière lui (oui, incroyable!). Qui plus est, le tennis ne cesse de fournir des jeunes joueurs d’un talent inouï et d’un physique qui ferait pâlir nombre de joueurs du Top 10 d’il y a encore quelques lustres.

Je lis aussi beaucoup de remarques concernant l’entraîner de David Goffin.

Je ne vais pas vous mentir, je connais Germain Gigounon depuis sa tendre enfance. Ma capacité d’analyse, je le confesse, est sans doute conditionnée par l’attachement que j’ai pour le coach binchois.

Mais je connais aussi assez bien David et je sais qu’il n’a plus envie – il ne l’a d’ailleurs jamais vraiment eue – d’un entraîneur qui lui botte le cul de manière quotidienne. David est un joueur introverti dont le charisme n’est pas évident à dénicher (sur le terrain). Mais quand il est dans sa bulle, il ne faut pas le brusquer.

J’ai plusieurs fois vu ses entraîneurs se ronger les sangs dans les tribunes, l’un d’entre eux quittant même la box de David tant ce dernier refusait le eye coaching.

David est ainsi fait. Il est énervant, je le répète, il ne montre pas grand chose, c’est une réalité.

Mais rien ne dit, rien, qu’un changement d’entraîneur pourrait avoir un impact positif sur sa manière de faire.

Messieurs et mesdames les détracteurs, je n’essaye pas de vous dire que David sera encore un jour Top 10. Je ne suis pas en train de vous affirmer qu’il ira encore en quart de finale de Wimbledon.

Non, ce que je veux vous dire c’est que David, comme tant d’autres de ses collègues, est devant une situation très compliquée: il sait jouer au tennis (évidemment), il a une forte expérience mais il n’a plus confiance en lui. Hors, pour gagner, il faut avoir confiance et, pour avoir confiance, il faut gagner…

J’ajoute, et puis j’en arrête, que David développe l’un des plus beaux tennis du circuit mais que, contrairement à la plupart de ses rivaux, il ne possède pas (plus) d’une arme qui pourrait lui permettre de gagner des matches en étant à moins de 100% de ses capacités.

Qu’arrivera-t-il dans les semaines et mois à venir? Je n’en ai aucune idée.

Ce que je sais c’est que si David réussissait un très beau Roland Garros, les détracteurs changeraient une nouvelle fois leur fusil d’épaule.

Ce que je sais, aussi, c’est que David jouera le Challenger d’Aix-en-Provence la semaine prochaine.

Le dernier Challenger qu’il a joué, il l’a gagné.

C’était en janvier, à Louvain-La-Neuve :-)