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Le tennis se footballise-t-il?

Je suis inquiet.

Vraiment.

Je le suis en fait depuis quelques mois, voire depuis deux ou trois ans.

Je suis inquiet parce que je trouve que le tennis prend une direction qui n’est pas la bonne.

Que l’on me comprenne bien, malgré mes six décennies, je ne suis pas nostalgique du tennis en blanc, ni des balles blanches, ni même – quoi que! – du tennis sans tie-break.

Non, je suis bien conscient que le monde évolue et qu’il est nécessaire, parfois, de modifier certaines choses pour assurer la pérennité d’un sport, d’une discipline.

Mais, là, vraiment, je suis inquiet parce que je perçois ce que j’appellerais une « footballisation » du tennis.

Je n’ai rien contre le foot – encore que ;-) ! -. Mais il faut bien convenir que le sport roi est gangrené par l’argent, par les droits télé et le comportement parfois violent de certains pseudo-supporters.

Lors de ce Roland Garros, mais ce n’est pas propre aux Français, j’ai entendu des sifflements destinés à certains joueurs ou certaines joueuses. Blessée, Alizé Cornet a été huée par son public alors qu’il était évident qu’elle souffrait de ne pas pouvoir défendre ses chances de manière normale dans son Grand Chelem.

Novak Djokovic est lui aussi régulièrement l’objet de sifflements et de quolibets. Certes, le Serbe peut avoir parfois un comportement compliqué à comprendre et on peut admettre qu’il soit moins apprécié que les Dieux que sont Federer et Nadal mais siffler un joueur numéro Un mondial, vainqueur de 20 Grand Chelem est pour le moins irrespectueux et tellement éloigné de l’esprit même du tennis.

En fait, siffler quelque joueur que se soit, quel que soit son niveau, me semble inconvenant. Evidemment que l’on préfèrerait sans arrêt son joueur préféré gagne mais que le sport serait tristounet si le nom du vainqueur était connu à l’avance.

Ce que le public doit comprendre c’est que le joueur qui monte sur le terrain a toujours envie de gagner. Mais, parfois, il ne le montre pas ou, parfois, il n’a pas la force de tout donner.

Alexander Zverev a ainsi reconnu, très pudiquement, que ses réactions excessives de ces derniers mois n’étaient pas dues au tennis mais bien à des problèmes privés.

Si une faible (très faible heureusement) du public se comporte désormais comme certains faux supporters de foot, il faut bien dire que certains décideurs du tennis ne montrent pas l’exemple.

Je vous ai déjà exprimé toute la tristesse et la colère qui sont miennes depuis la modification de la structure même de la Coupe Davis. La non concertation entre Wimbledon et l’ATP ou la WTA est un autre point qui démontre que le tennis n’est pas géré de manière optimale, ce qui nuit gravement à son image.

Mais il y a pire. Le pire, on l’atteint en ce moment à Roland Garros où les droits télé font perdre la tête aux patrons de la FFT et de Roland Garros.

La session nocturne à Paris est tout bonnement une ineptie sans nom qu’a remarquablement résumée le joueur français Nicolas Mahut. Lisez plutôt ce qu’il en disait dans L’Equipe:

« Autant une night session à l’US Open ou l’Open d’Australie ne modifie pas fondamentalement les conditions de jeu, autant, sur terre battue, ça change énormément la vitesse de la balle et la hauteur du rebond. C’est une surface vivante qui n’est plus la même de nuit. »

Et, plus loin, concernant la possibilité que le grand public soit privé de matches phare programmé en nocturne:

« Est-ce qu’on imagine l’étape de l’Alpe d’Huez diffusée sur une chaîne payante et donc innacessible à la grande majorité des téléspectateurs?« 

Pour ce dernier point, fort heureusement, le match Djokovic – Nadal sera bien diffusé par une plateforme numérique mais les Français qui n’y sont pas abonnés pourront malgré tout – dans certaines conditions – le voir gratuitement.

Pour les Belges, ce sera plus compliqué mais Eurosport NL le diffusera. Ou alors il faudra s’abonner à Eurosportplayer ou avoir accès à Prime via une plateforme comme Amazon (mon excellent ami Yves Simon donne la marche à suivre dans Sudinfo et Le Soir de ce jour)

Bref, même si une « solution » a été trouvée pour ce choc des géants, le mal est fait et l’argent a pris la main sur l’intérêt du sport.

Ce n’est évidemment pas nouveau, je ne suis pas naïf, mais tant dans le cadre de la Rod Laver Cup, de la Coupe Davis et maintenant de ce qui se passe à Paris, les effets – néfastes – sont palpables et le fan de tennis le paie cash.

En parlant de cash, il est nécessaire, aussi, de rappeler que le monde du jeu pourrit la vie de beaucoup de joueurs et joueuses qui se font insulter par des parieurs qui ont misé sur eux, ou sur le score, ou sur le nombre de doubles fautes.

Là non plus, ce n’est pas nouveau, mais les réseaux sociaux et internet ont largement contribué aux dérives que l’on connaît aujourd’hui et au fait que les parieurs ont accès aux joueurs pour les agonir d’injures.

On me dira que le jeu en ligne n’est pas de la responsabilité des décideurs du monde du tennis. C’est vrai mais certains tournois ont, à certains moments, accepté que des sites de jeux fassent partie de leurs « partenaires ».

J’ai évoqué certains spectateurs, j’ai parlé de certains dirigeants. Il faut aussi – hélas – que j’ajoute le fait que certains joueurs et joueuses ont des manières de faire qui ne méritent pas toujours le plus grand des respects.

Je ne parle pas forcément des mouvements d’humeur que je comprends assez facilement (quand ils ne sont pas excessifs). Non, je parle davantage de certains propos qui manquent, à tout le moins, de retenue.

Je suis le premier à dire et à reconnaître que l’argent ne fait pas forcément le bonheur mais, ces derniers mois, il me semble que certains des joueurs et joueuses du Top se sont un peu trop facilement complu à se plaindre de leur vie.

Certes, la Covid a aussi eu des effets négatifs sur les tennismen et tenniswomen. Certes, la pression est importante.

Mais, en tout, il faut raison garder. Les meilleurs du monde (je parle du Top 50 ou Top 100) ont évidemment le droit d’avoir leurs états d’âme mais, très franchement, et Dieu sait que je les adore, ils ont assez peu le droit de se plaindre de leur confort de vie.

Bref donc, je suis inquiet.

Et ravi, vraiment, d’avoir retrouvé le chemin des courts, dans un club où le seul plaisir reste le jeu.

Et le verre partagé après le match.

Et si vous pensez que je suis à côté de la plaque, je compte sur vous pour me le faire savoir ;-)