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L’abnégation de Nadal magnifie le tennis

Le mot abnégation pour Rafaël Nadal n’est sans doute pas parfait pour illustrer le parcours de Roland Garros.

Le mot abnégation signifie en effet « sacrifice, renoncement, désintéressement » et plus particulièrement « sacrifice volontaire, oubli de son propre intérêt ». L’abnégation consiste donc à agir en mettant de côté son intérêt personnel ou ce qui est important pour soi, pour se mettre au service des autres ou d’un intérêt supérieur.

Malgré cela, je l’utilise car, même si Rafaël Nadal joue évidemment en partie pour son propre intérêt, il faut bien reconnaître que ce qu’il fait depuis 20 ans sert l’intérêt supérieur du tennis.

Et, en ces temps où ceux qui prétendent régir les intérêts de ce magnifique sport font boulettes sur boulettes, on ne peut – et eux aussi – que se réjouir de voir leurs idioties en partie occultées par la carrière de Rafaël Nadal qui, faisant fi des polémiques et autres discussions stériles, poursuit son seul objectif de vie sportive: marquer l’histoire encore un peu plus.

Son quatorzième titre est tellement improbable que même Justine Henin, pourtant la meilleure commentatrice que l’on puisse avoir sur les chaînes francophones, est restée sans voix, sans mot.

Diantre, que dire devant un sportif toujours aussi fairplay et toujours prêt à se sublimer quand il évolue sur sa terre parisienne. Se sublimer au risque de mettre sa santé en jeu pour les années où il ne sera plus tennisman.

Mais il s’en moque, de cela, Rafa. Du moins pour le moment.

Il s’en moque et il se tait, préférant travailler, encore et encore.

« Si on veut rester au niveau dans ce sport, il ne faut jamais se contenter de ce que l’on est. Il faut travailler pour progresser. Progresser pour rester compétitif.« 

Pendant que certains de ses collègues se plaignent de tout et, plus souvent encore, de rien, quand certaines de ses collègues se plaignent parfois d’aise, lui, il souffre, il bosse, il donne tout à son sport et au sport en général.

Bref, donc, Nadal est inclassable, il n’y a plus de superlatif suffisant pour commenter ses exploits répétitifs.

5, 6, 7 Roland Garros. On était déjà ébahi.

Mais à 14, on ne parvient pas à s’imaginer de ce dont il s’agit car c’est tout bonnement irréel, impossible, même.

Pete Sampras, qui détenait le record de titres avant l’arrivée du Big Trois, a remporté 14 tournois du Grand Chelem, ce qui était déjà incroyable.

Rafa, lui, a remporté le même nombre de tournois à Roland Garros!

Il a donc gagné 10 Roland Garros en plus que … Justine Henin.

Il a gagné à Paris 8 fois de plus que Bjorn Borg, l’homme qui a fait (avec Philippe Chatrier) la légende du French.

Est-ce à dire, diront certains, qu’il est le plus grand joueur de tous les temps?

Vous connaissez ma position sur le sujet. Il n’y a pas de GOAT car les périodes ne sont pas comparables.

Il n’y a pas de GOAT car les chiffres ne sont pas tout. Si on se basait sur les titres en majeur, on serait obligé de dire que la GOAT féminine est Margaret Smith Court qui a remporté 24 Grand Chelem. Mais personne n’oserait dire, avec tout le respect que l’on doit à l’Australienne, qu’elle est meilleure que Serena Williams, que Steffi Graf ou que Martina Navratilova.

Ne comptez donc pas sur moi pour écrire aujourd’hui que RafaÊl Nadal est plus grand que Roger Federer, que Novak Djokovic, que Rod Laver, que Bjorn Borg, que Pete Sampras, que JOhn McEnroe, etc.

Non mais il est grand, énorme. Et, sur terre, il possède un palmarès qui semble hors de portée de ses contemporains mais aussi de ceux qui vont venir dans les années et décennies à venir.

Sauf si…

Sauf si un autre sportif trouve en lui les mêmes capacités physiques – et surtout mentales – de, jour après jour, remettre l’ouvrage sur le métier.

Sauf si, comme lui, un futur champion parvient à ne pas perdre d’énergie sur les futilités mais se concentre exclusivement sur l’essentiel: le travail.

Rafaël Nadal restera dans l’histoire du sport comme étant une légende époustouflante.

Un de mes chers collègues a twitté qu’il était le plus grand sportif de tous les temps.

Je ne suis évidemment pas d’accord avec cela car il est impossible de comparer Rafaël Nadal à Carl Lewis, Mohammed Ali, Eddy Merckx, Michael Phelps, Serguei Bubka pour ne citer que ces monstres-là.

Mais il est humainement un être exceptionnel qui prend tellement de place dans le livre magique du tennis que le reste semble sans intérêt.