Retour

Joran et Sander: l’exploit de la volonté, de la ténacité

Il y a de nombreuses années, en 2015 ou 2016, je n’ai pas retrouvé la date, voici, en substances, ce que j’écrivais sur ce blog.

« Il ne serait pas idiot d’un jour faire confiance à une paire peu connue mais qui a le mérite de croire en elle et de ne se consacrer qu’au double. »

Je pensais, vous l’aurez compris, au duo Vliegen et Gille.

Quelques jours après la publication de cet article, je me suis rendu aux entraînements de la Coupe Davis et un joueur de l’équipe, dont je tairai charitablement le nom ;-) , m’a regardé en riant et m’a dit : « non, mais, tu penses vraiment ce que tu as écrit? Tu penses vraiment que Joran et Sander sont aptes à jouer en Coupe Davis? Qu’ils sont plus forts que les équipes que l’on pourrait proposer?« 

Huit ans plus tard, soit aujourd’hui, Joran et Sander vont donc jouer la finale d’un tournoi du Grand Chelem.

Il s’agit, et je pèse mes mots, d’un exploit.

Pas un exploit tennistique, non. Un exploit mental, un exploit de ténacité.

Un exploit de volonté.

Je m’explique.

Gille et Vliegen n’ont pas des aptitudes tennistiques naturelles de dingues. Ce ne sont pas des talents purs et je sais qu’ils ne m’en voudront pas de l’écrire.

Leur tennis n’a pas la fluidité que pouvait avoir celui développé par la paire Malisse/O. Rochus, lauréate de Roland en 2004.

Non, Sander et Joran, sont des gars qui ont travaillé. Qui continuent à le faire. Qui bossent comme des damnés. Qui ont compris, vers 2014 ou 2015, que leur avenir dans le tennis ne passerait pas par le simple mais pourrait peut-être le faire par le double.

Ils se sont parlés, ils se sont convaincus eux-mêmes que si la route serait longue, elle était peut-être envisageable.

Ils y ont cru, surtout, ce qui n’était pas une évidence.

Si, individuellement, ils ne parvenaient pas à produire un tennis capable de les nourrir (financièrement et mentalement), ils se sont dit qu’en unissant leurs forces, les qualités respectives pourraient peut-être sublimer leur jeu.

Et ils ont commencé par les plus petits des tournois.

En 2013, déjà, ils avaient gagné un 10.000 dollars, à Eupen.

Idem en 2014, avec un autre succès dans un 10.000, à Coxyde.

Mais c’est bien en 2015 que l’aventure incroyable a commencé. Jugez plutôt: 6 victoires et 3 autres finales en 10.000 dollars. La paire se faisait cohésion.

2016 les verra monter d’un étage. Après quelques mois passés encore en 10.000, ils joueront quelques challengers: quart à Todi, quart à San Benedetto, VICTOIRE à Trnava, finale à Meerbusch……

Depuis, le circuit n’a cessé de les voir progresser. mais ces progrès ne venaient pas simplement. Jour après jour, pas toujours avec des moyens financiers suffisants, ils continuaient à se parler. A peaufiner les détails qui font d’une paire moyenne une paire performante, puis une paire redoutable.

Premier Grand Chelem à Roland Garros en 2019, mais uniquement pour Vliegen, qui ira en quart. Premier Grand Chelem ensemble, ce sera pour Wimbledon, toujours en 2019, avec une accession au 2e tour.

Première belle perf en Grand Chelem ensemble: quart de finale à l’US Open 2020.

Entretemps, ce qui paraissait impensable au joueur que je n’ai pas susnommé ;-), se réalise avec un premier match de Coupe Davis disputé aux Etats-Unis.

Et, aujourd’hui, donc, après tant de travail. Après quelques désillusions et quelques choix moins judicieux.

Après tant d’espoir.

Après tant de discussions.

Après tant de progression, de remises en question.

Aujourd’hui, cette paire qui était loin d’être une certitude, est en finale de Roland Garros.

En l’écrivant, j’en ai, réellement, la chair de poule.

Car Joran et Sander démontrent de semaine en semaine que le travail, l’abnégation, la conviction, peuvent mener au rêve.

Non, c’est vrai, ils ne sont pas les joueurs les plus flamboyants du circuit.

Mais on s’en fout. Ils gagnent, ils se sortent de situations compliquées.

Ils se chuchotent les consignes.

Ils se tiennent.

En réalité, ils s’aiment. Tennistiquement, c’est une certitude.

Ils se complètent, en réalité. Ils sont les yeux de l’autre, les jambes de l’autre.

Seuls, ils sont perdus.

A deux, ils sont.

Ils sont.

Et Dieu sait pourtant qu’e double, rien n’est… simple.

Mais eux, Sander et Joran, y sont parvenus.

Qu’ils gagnent ou qu’ils perdent cette finale n’y changera rien.

Car ils sont désormais entré par la grande porte dans l’histoire du tennis belge.

Bravo, vraiment.

Bravo!