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Il est où le bonheur?

Mardi matin, vous l’avez compris, j’étais plutôt de mauvaise humeur pour les raisons que j’ai décrites dans mon dernier post.

Aujourd’hui, c’est un amoureux du tennis comblé qui s’est réveillé après une très courte nuit.

Courte mais pleine comme l’a été l’après-midi.

Rassurez-vous, je ne vais pas vous conter par le menu les deux extraordinaires rencontres que j’ai eu l’occasion de suivre in extenso. Non, je vais juste vous évoquer les émotions que j’ai ressenties. A tel point que même mon chien m’a régulièrement regardé bizarrement car il ne m’avait plus vu depuis longtemps vivre aussi intensément un ou plusieurs matches de tennis.

La dernière fois, ce devait être pour la rencontre entre David Goffin et Roger Federer au Masters de Londres en 2017…

Bref donc, j’ai passé plus de huit heures sur le Chatrier.

Avec Alcaraz et Zverev dans un premier temps. Avec deux extra-terrestres ensuite.

Alcaraz-Zverev.

Quelle sérénité de l’Allemand. Qui a réussi à tenir le choc émotionnel et physique.

Qui, même alors qu’il avait pensé avoir fait le plus difficile – mener deux sets zéro – a réussi à conserver son calme et à gérer les émotions intenses que lui imposaient son adversaire, évidemment, le public aussi, sa situation enfin.

Quelle sérénité malgré ces dizaines d’amorties distillées de main de maître par ce diable d’Ibère qui sent ce coup comme peu d’autres joueurs de son âge.

Diable d’Ibère qui, hier, pendant deux sets, deux sets et demi, et aux moments clés souvent, a cependant manqué de patience.

Lui qui est capable de construire le point pour détruire son rival, s’est montré quelque peu précipité. Comme si l’envie de forcer l’exploit le rendait incapable d’attendre. Comme si le plaisir d’être là, d’entrer déjà dans l’histoire, lui ordonnait d’aller vite, plus vite. Trop vite, en fait.

Et pendant qu’il allait trop vite, Zverev, lui, servait à merveille et coupait les trajectoires idéalement.

Petit à petit, aussi, il a commencé à lire de mieux en mieux le jeu de son jeune adversaire.

A tel point qu’en fin de match, il a enfin frappé une contre amortie gagnante et, ironie de l’histoire, il a lui même réussi une amortie rétro imparable dans le tie-break de ce qui allait être le dernier set.

Incroyable Zverev qui, quelques mois après avoir pété les plombs, a démontré qu’il avait su se remettre en question, se poser un peu et reprendre la direction qui lui a permis, entre autres, de gagner les Jeux Olympiques.

Formidable Carlos ALcaraz, auquel je n’avais pas donné d’étoiles, car je savais que, dès l’année prochaine – sans pépin physique ou émotionnel – il en aura minimum deux pour Roland Garos.

Formidable Alcaraz qui a faim de tout.

Faim de frappes.

Faim de gloire.

Faim d’amorties.

Faim de combats mythiques.

Faim tout court.

Exceptionnel Alcaraz et éblouissant Zverev.

Match de titans, entre un gamin de 19 ans et un jeune adulte de 25.

Match de titans suivi d’une rencontre phénoménale entre deux extra-terrestres.

Ce que je retiendrai de ce duel entre Nadal et Djokovic?

Le sourire de ce dernier.

A plusieurs reprises, Novak a souri.

Pas en se moquant.

Pas en se morfondant.

Non, il a souri parce qu’il savait qu’il jouait contre une Légende.

Et que, hier – enfin cette nuit – la légende avait décidé que le terrain était – encore cette semaine – son terrain.

Il a souri parce qu’il a très vite compris que le maître des lieux ne lui laisserait pas le temps.

Il a souri parce que Nadal l’a pris à la gorge dès le premier point et l’a asphyxié jusqu’à 6-2 3-0.

Il a souri, ensuite, parce qu’il pensait, en prenant le deuxième set, que l’orage était passé. Que Rafa avait vécu son chant du cygne mais qu’il n’en était rien.

Il a souri, enfin, parce qu’il savait qu’il avait, une fois de plus, écrit l’une des plus belles pages de l’histoire du tennis moderne.

Il a souri, enfin, parce qu’il aime Rafaël Nadal et qu’il sait, Djoko, que ce sera peut-être le dernier Roland de l’Espagnol.

Nadal, lui, a rugi.

Rugi de plaisir.

Et rougi d’émotions intenses.

Comme s’il était le gamin qu’est en fait Alacaraz.

Comme s’il en était à son premier tournoi du Grand Chelem à Paris.

Comme s’il découvrait la féérie du Central.

Comme s’il jouait, aussi, son dernier match.

C’est cela, la force de Rafaël Nadal.

Il joue le premier point comme le dernier.

Il joue le premier tour comme la finale.

Il joue le premier tournoi comme le dernier.

Il donne tout, se fait mal, a mal, souffre mais il tient.

Et, hier – enfin cette nuit – non seulement il a tout donné mais il a pris le match en mains.

Alors que beaucoup pensait qu’il serait soumis à un rythme endiablé imposé par le numéro un mondial, il a au contraire pris les commandes, frappé plus fort que jamais et pris des risques sidérants.

Alors qu’on le voyait dans les cordes, il a virevolté sur ce Central, gouttant chaque moment avec force, savourant chaque ‘Rafa’ avec bonheur.

En fait, hier – enfin cette nuit – Rafa a fait l’amour avec le Central.

Avec le public.

Avec Djokovic.

Avec le tennis.

Rafaël Nadal, hier – enfin, cette nuit – était le tennis.

Qu’il est beau, ce tennis.