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Icare a repris son envol et, cette fois, ne s’est pas brûlé les ailes. Djokovic est immense!

Voilà ce que j’écrivais en janvier 2022.

DJOKOVIC OU LE MTYHE D’ICARE

Janvier 2021. Melbourne. Déjà.

Avec 17 titres du Grand Chelem, Novak Djokovic est encore loin derrière Roger Federer et Rafaël Nadal qui affichent, eux, 20 majeurs.

Depuis qu’il a rejoint le sommet du circuit, il ne rêve que d’une seule chose : être considéré au même niveau que les deux monstres sacrés que sont le Suisse et l’Espagnol.

Fort et motivé comme jamais, Djokovic entame alors son envol vers la gloire.

Il gagne l’Australian Open en dominant Medvedev en finale et en trois sets.

20-20-18.

Le Serbe plane quand il arrive à Paris et Roland Garros.

Mené deux sets à zéro en finale par Stefanos Tsitsipas, il revient du Diable Vauvert et s’impose 6-4 au cinquième.

20-20-19.

Sur son nuage, le Serbe se rend dans la Mecque du tennis où il ne perdra que deux sets, un au premier tour, l’autre en finale.

20-20-20.

Djokovic a rejoint Federer et Nadal.

Mieux : il est dans une situation idéale pour dépasser ses contemporains et rejoindre une certaine Steffi Graf au sommet du mont Olympe. En 1988, l’Allemande a en effet réussi l’exploit sidérant de remporter les quatre levées du Grand Chelem ET la médaille d’or des Jeux Olympiques.

La tête de Djokovic semble rester fraîche mais l’envol commencé à Melbourne l’amène tout doucement près du soleil qui l’aveugle et des ambitions qui sont siennes.

Il arrive à Tokyo, où se déroulent en 21 les JO de 2020.

Il balaye ses quatre premiers opposants, ne leur laissant que des miettes. Il inflige même un sévère 6-2 6-0 au joueur local Kei Nishikori.

Le voilà à deux succès de l’or. Or dont la couleur est celle du soleil.

Il rencontre en demi l’Allemand Alexander Zverev. Premier set rondement mené : 6-1 Djokovic.

Mais la machine se grippe. 6-3 6-1 Zverev. Le Grand Chelem doré s’échappe.

Reste malgré tout le Grand Chelem classique, remporté la dernière fois par Rod Laver en 1969.

Le vol de Djoko a connu une turbulence mais on est encore loin du crash.

On ne le voit plus entre Tokyo et New York où se tient le dernier Grand Chelem 2021.

L’objectif reste énorme : dépasser Nadal et Federer et rejoindre la légende Laver.

Novak souffre un peu, mais atteint les demis où il bataille face à … Alexander Zverev. Il s’impose en… cinq sets. Et  n’est donc qu’à un succès de son graal.

Face à lui, un redoutable adversaire – Daniil Medvedev – mais Djoko en a vu d’autres.

6-4 6-4 6-4 pour le Russe.

20-20-20.

L’année 21 du Serbe n’est évidemment pas ratée (diantre, trois majeurs ce n’est pas rien), mais à deux reprises, à Tokyo et New York, il a raté une occasion sans doute unique, non pas de marquer l’histoire du tennis mais bien de rejoindre au sommet de la notoriété sportive les mythes que sont, par exemple, Carl Lewis, Eddy Merckx, Cassius Clay, Jesse Owens, Mark Spitz et quelques autres encore.

En fait de mythe, c’est surtout celui d’Icare auquel Djokovic a été confronté.

A force de voler trop près du soleil, il semblerait que son cerveau, à défaut de plumes, ait surchauffé.

Il semblerait qu’à force de se croire invincible, il a baissé la garde et commencé à perdre le fil. Le fil d’Ariane qui aurait pu le sortir du labyrinthe australien dans lequel il s’est lui-même placé. Un labyrinthe que n’aurait pas renié Dédale, le père d’Icare.

Dans Icare, il y a I Care.

Hélas !, Djoko, lui, doesn’t care.

Il s’en mordra sans doute le bout des ailes.

Voilà ce que j’écris aujourd’hui, 12 juin 2023

ICARE A REPRIS SON VOL

En fait non.

Non, Icare Djokovic ne s’est pas mordu le bout des ailes.

Il n’a pas joué l’Australian Open 2022 pour les raisons que l’on sait, il a été battu à Roland Garros 2022 par un certain Rafaël Nadal. Mais de ses déboires et de ses défaites, il a appris et a, encore, réussi à progresser. Tout en restant fidèle à ses principes. Des principes que l’on peut certes contester mais ce qui est incontestable, c’est qu’il est fidèle à lui-même. Qu’il ne s’accorde aucune dérogation, même si cela peut nuire à l’écriture de son histoire.

Londres, fin juin 2022.

Djokovic n’a plus gagné un majeur depuis…. un an. Il a perdu aux JO. Il a perdu à l’US Open. Il n’a pas joué l’Australian. Il a perdu à Roland Garros.

Entretemps, Rafaël Nadal a gagné l’Australian et Roland Garros.

20-22-20

Le Serbe est distancé par l’Espagnol. Intraitable sur terre et impressionnant d’abnégation à Melbourne.

20-22-20

Icare n’en a cure. Il poursuit sa quête du graal.

Il souffre, et comment!, face à Jannik Sinner en quart de finale. Mené deux sets à zéro, il s’en sort et gagne en 5.

Quatre sets face à Norrie en demi.

Finale face à ce diable de Kyrgios. Qui lui ravit le premier set.

Les ailes vont-elles à nouveau brûler?

Non, Djokovic s’impose en quatre sets.

20-22-21

Son vol ne l’emmènera pas à l’US Open. Toujours en raison de ses convictions.

Entretemps, son rival ami Roger Federer prend sa retraite. Le Suisse restera à 20 Grand Chelem. VINGT GRAND CHELEM.

20-22-21.

Australian Open 2023.

Icare est imbattable et ne perdra qu’un seul set, face à Enzo Couacaud au 2e tour.

En finale, il s’impose en trois sets face à Tstsipas.

20-22-22.

Son rival ami Rafaël Nadal a été battu au 2e tour et n’a plus joué depuis.

20-22-22

Roland Garros 2023

La plupart des observateurs prédisent une victoire de Carlos Alcaraz.

Que Djokovic rencontre en demi.

Le gamin espagnol, prodigieux tennisman toujours souriant, est rattrapé par le stress.

Tendu, il bande ses muscles trop longtemps et les crampes lui rappellent que la fluidité du mouvement est capitale.

Novak et lui livrent une bataille de titans. Un set partout. Mais le physique de Carlos ne tient pas. L’enjeu est trop immense.

Finale.

Face à ce Norvégien étonnant qu’est Casper Ruud.

20-22-22

Icare va-t-il, comme à Tokyo et à New York en 2021, s’approcher trop près du soleil?

Le premier set est torride.

Ruud donne les coups. Mène 3-0. Puis 4-1.

Djoko s’accroche. Revient au score. Force le tie-break.

Qu’il domine comme il l’a fait lors des cinq autres jeux décisifs qu’il a disputés à la Porte d’Auteuil.

Un set zéro.

Le match est plié. Ruud sait qu’il ne peut pas mieux jouer.

Djoko sait qu’il ne jouera pas moins bien.

6-3.

7-5.

20-22-23

Icare suspend son vol.

S’écroule sur la terre qui ne lui est pourtant pas si familière.

Il se relève.

Fait un discours de philosophe.

Embrasse ses amis, ses enfants, sa famille.

20-22-23

Il en gagnera d’autres, il le sait.

Il ne veut pas marquer l’histoire, il veut être l’histoire.

Alors, oui, bien entendu, certains disent que c’est le plus grand de tous les temps.

Je ne suis pas de ceux-là.

Il n’y a jamais eu de GOAT, il n’y a pas de GOAT, il n’y aura jamais de GOAT.

Il y a des champions hors catégorie. Djoko en fait évidemment partie, lui qui a le plus grand palmarès, quasi toutes données confondues.

Il est énorme, il est magnifique.

Mais, vous le savez, depuis des années, je m’insurge contre ce titre de GOAT car il n’a pas lieu d’être. Je ne vais d’ailleurs pas réexpliquer ici les raisons de mon sentiment en la matière.

Par contre, je vais simplement dire que je suis fasciné par la période que nous vivons.

20-22-23

65 Grand Chelem entre les mains de trois quasi contemporains alors que le record précédent était de 14.

Djoko est immense.

Il est immense parce qu’il n’a pas la flamboyance de Roger Federer. Il n’a pas le charisme physique de Rafaël Nadal.

Il est immense parce qu’il ne rate jamais.

Il est immense parce qu’il sait que, dès qu’une balle est importante, il va la gagner.

Il est immense parce qu’il ne cherche pas le spectacle mais l’efficcité.

Il est immense parce qu’il tient le choc physique face à des joueurs qui pourraient être, peu ou prou, ses enfants.

Il est immense parce qu’il suit ses convictions .

Il est immense parce qu’il s’est fixé des objectifs impossibles et qu’il les a atteints.

Il est immense parce qu’il va encore gagner d’autres Majeurs.

Il est immense parce qu’il a réussi à contrer deux autres immenses joueurs: Nadal et Federer.

Il est immense par qu’il est Djokovic.

20-22-23