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Bon vent Captain!

C’était devenu un rituel.

Né d’une complicité réelle.

A chaque fois que j’avais la chance de remplir le rôle de responsable de presse en Fed Cup ou en Coupe Davis, je prenais plaisir, le matin même du tirage au sort et, donc, de la sélection des joueurs et joueuses de simple, d’écrire sur ce blog un article où je donnais ma sélection personnelle.

Quelques dizaines de minutes plus tard, je venais voir les entraînements de l’équipe belge.

Chaque fois, sans que l’on ne se soit jamais rien dit, Johan Van Herck cherchait mon regard et, sourire en coin, me faisait comprendre soit que j’avais vu juste, soit que je m’étais trompé.

On ne parlait pas. On ne disait rien.

Lui savait que jamais je ne profiterais de cet échange pour lâcher un scoop.

Moi, je savais qu’il ne ferait jamais un signe me laissant perplexe.

Il s’agit, je pense, sans que l’on soit amis ni très proches, d’une confiance partagée entre deux amateurs de tennis. Entre deux fous de tennis belge.

Il faut dire que mes souvenirs avec Johan ne datent pas de son capitanat.

Au milieu des années 90, il n’y avait pas tant de journalistes belges sur le circuit et les règles étaient moins coercitives qu’elles ne le sont aujourd’hui. Je me souviens ainsi avoir été souvent voir les entraînements des Belges à Roland Garros lorsque les Goossens, Van Garsse, Dewulf et Van Herck aimaient à se charrier sur les courts de Roland Garros. Oh, ils ne parlaient pas vraiment de tennis mais bien de football. A cette époque, si ma mémoire est bonne, Johan ne jurait que par le Lierse. Filip, lui, était déjà fan du Standard.

J’ai aussi de très bons souvenirs de Johan comme joueur de Coupe Davis comme lorsque la Belgique s’est rendue à Indianapolis défier les Américains en quart de finale du Groupe Mondial.

Quart de finale du Groupe Mondial….. C’était considéré comme un exploit à l’époque.

Johan n’avait joué que le double, au côtés de Dewulf. Les Belges s’étaient inclinés face à Todd Martin et Jim Courier.

Un an plus tard, l’équipe belge se hissait en demi-finale de la même Coupe Davis mais Johan n’avait disputé que le premier tour face à la République tchèque. Sans doute croyait-il à ce moment qu’il ne revivrait plus des moments aussi forts qu’en 1998.

Il se trompait.

Lourdement.

Mais c’est en tant que capitaine, et non de joueur, qu’il allait écrire les plus belles pages de son palmares.

Je ne vais pas revenir ici sur toutes les rencontres du Captain. Celle que je retiendrai le plus c’est évidemment la première finale de 2015 qui s’est déroulée à Gand, la ville de mon paternel.

Responsable de presse j’y ai connu mes plus grandes émotions tennistiques après la demi de Filip Dewulf à Roland Garros 1997 et la médaille de bronze de Dominique Monami à Sydney. (Justine et Kim c’est autre chose)

Ces moments rares, je les dois, en grande partie, à ce capitaine placide. Qui, jamais, ne montrait à l’excès ses propres émotions. Qui écrivait plus qu’il ne criait.

Qui savait comment tirer le meilleur de ses joueurs et de ses joueuses.

Qui ne se departissait jamais de son humour en coin et qui traçait sa route et celle de l’équipe.

Il savait se montrer ferme mais, quoi qu’il arrivait, il défendait, en public, ses joueurs et joueuses, mais pouvait aussi, en privé, leur dire clairement ce qu’il pensait.

La phrase qui m’a le plus marqué?

Quand, à la fin de la finale de 2015, il annonce, en Conférence de presse : « on peut le refaire ».

Personne ne le croyait à l’époque. Diantre, il faut bien reconnaître qu’en 2015, la Belgique avait été un peu servie par la chance et par l’absence de certains ténors des équipes rencontrées.

Deux ans plus tard, pourtant, Johan Van Herck a réussi l’exploit – l’exploit! – de mener l’équipe vers une deuxième finale.

Une finale qui restera à jamais gravée dans l’esprit de tous ceux qui étaient à Lille et qui ont entamé une Brabançonne tonitruante qui hante encore Yannick Noah.

C’est aussi à Lille que Johan et moi avons été très éloignés l’un de l’autre au niveau de la sélection. Je pensais qu’il était évident que David Goffin joue le double. Johan pensait autrement.

Un an plus tard, toujours dans le plus grand des respects, il m’a répété qu’il ne reniait pas son choix et que je pouvais lui poser la même question jusqu’à plus soif sans qu’il ne la renie.

Je ne suis toujours pas d’accord avec lui mais cette histoire n’altère en rien notre complicité.

Johan Van Herck, c’est peu de le dire, a réussi à régulièrement tirer le meilleur de ses hommes et de ses femmes. Côté féminin, je me souviens de cette extraordinaire victoire d’Ysaline Bonaventure face à Garbine Muguruza. Sans Johan, et malgré son talent réel, je ne pense pas qu’Ysa se serait imposée.

Il y a deux semaines, juste avant le départ vers la Corée et alors qu’il venait voir les matches du BW Open, j’ai assisté à un entraînement de joueurs belges aux côtés de Johan.

On a un peu parlé.

A un moment, je lui ai pris l’épaule en lui glissant: « tu vas me manquer capitaine. »