Il y a des saisons qui avancent à pas tranquilles.
Et puis il y a celles qui tremblent, trébuchent, se relèvent, prennent feu et finissent par éclairer bien plus qu’on ne l’avait prévu.
La saison 2025 de Raphaël Collignon appartient à cette seconde catégorie.
On l’oublie presque aujourd’hui, tant les derniers mois ont dessiné une trajectoire ascendante et limpide. Mais sa saison n’a rien eu d’un long fleuve tranquille. Il y a eu des débuts hésitants avec quatre défaites initiales. Puis un retour sérieux aux affaires avec encore un peu d’inconstance. et après, alors que Roland Garros arrivait, il y a eu cette blessure qui l’a freiné au moment où il pensait enfin trouver la vitesse supérieure. Et il y a eu ce doute, discret mais bien présent, que connaissent tous les joueurs qui sentent qu’ils valent mieux que ce que la feuille de résultats raconte.
Et pourtant, derrière cette période grise, il y avait un fil qui ne s’est jamais rompu : le travail.
Celui qui ne fait pas de bruit, celui qui ne se voit pas dans un tableau final, celui qui se tisse dans les couloirs du Centre de Mons ou à la Province Raquettes Arena de Huy, dans les séances où on peut avoir l’impression que rien n’avance, dans les discussions où l’on remet tout à plat.
Il y avait aussi quelqu’un.
Un homme qui a connu les tempêtes, qui a appris à jouer blessé, qui a gagné des matches qu’il n’aurait jamais dû gagner, et qui, peut-être, en a perdu qu’il aurait dû remporter.
Un homme qui connaît la Coupe Davis, les doutes et les rebondissements.
Un joueur devenu coach : Steve Darcis.
Entre les deux, un lien s’est construit. Pas un lien de confort, mais un lien de transformation.
Darcis a poussé là où il fallait pousser. Il a secoué quand il fallait secouer.
Et, surtout, il a cru — parfois davantage que son joueur lui-même.
Le déclic est venu plus tard, presque soudainement. Comme si tous ces mois difficiles s’étaient accumulés pour mieux exploser au grand jour.
L’US Open, d’abord.
Ce match contre Casper Ruud, symbole parfait de ce que Raphaël devient : courageux, libéré, créatif, avec cette façon de boxer chaque balle comme si elle décidait du reste de sa vie.
Puis il y a eu De Minaur en Coupe Davis. Perclus de crampe, Raphaël montre un courage exemplaire et lance les Red Aces vers le succès que l’on n’attendait pas.
Puis l’European Open. Avec un succès face à son ami Zizou et une demi-finale incroyable pour suivre.
Le tennis belge et, ensuite, le grand public, a compris que quelque chose se passait.
Raphaël n’était plus un “jeune prometteur”.
Raphaël n’était plus un “joueur qui progresse”.
Raphaël était un joueur installé, capable de battre les meilleurs, capable de renverser un match perdu, capable de porter une équipe, capable d’embraser un stade.
Puis Bologne est arrivé.
Son match contre Moutet a montré un Collignon à deux visages : celui qui s’écroule un instant, et celui qui renaît avec une rage qu’on ne lui connaissait pas à ce point-là sauf depruis De Minaur, évidemment.
Il y avait un monde d’écart entre ses premiers jeux et ceux qu’il a joués pour conclure.
Et au milieu, encore, Darcis.
Deux phrases vertement prononcées.
Deux ajustements virils.
Et le match qui bascule, grâce aussi, il est vrai, en partie, à une facétie d’un Français… toujours facétieux.
Et dans la foulée de ce premier point, un Zizou Bergs imparable qui envoie les Red Aces en demi-finale. Les amis, entourés de Sander, Joran, Alexander et du staff, exultent à juste titre: ils viennent d’écrire une merveilleuse page du tennis belge.
Contre l’Italie et face à Berrettini, il a manqué ce petit rien qui change tout. Une balle de break. Un choix tactique. Une défaite lourde qui aurait pourtant pu se tranformer en succès.
Et puis il y a eu cette image, sans doute la plus belle de toutes : celle de Collignon courant vers Bergs après la défaite cruelle de ce dernier face à Fabio Cobolli, celle de Berg éclatant en sanglots et tombant dans les bras de l’équipe après sept balles de match, celle de Steve venant couvrir ses joueurs comme un grand frère devenu guide.
Parce que c’est ça, aussi, l’explosion de Raphaël Collignon : un joueur qui grandit dans un collectif qui grandit avec lui.
Alors oui, cette saison n’a pas été linéaire.
Elle n’a pas été parfaite.
Elle a été humaine.
Et parce qu’elle a été humaine, elle a été belle.
Elle raconte le tennis comme on l’aime : celui qui n’avance pas toujours droit, celui qui tremble, celui qui doute, celui qui explose au moment où l’on ne s’y attend pas encore tout à fait.
Elle raconte un joueur qui a franchi plusieurs portes cette année, parfois en douceur, parfois en frappant fort.
Un joueur qui regarde maintenant vers le haut sans s’excuser.
Un joueur dont on sait – sans hésiter – qu’il en a encore sous le pied.
Raphaël Collignon a explosé.
A suivre: Zizou doute, Bergs confirme
