Il y a des défaites qui ressemblent à des héritages.
Vendredi soir, à Bologne, la Belgique a perdu.
Ce que l’on a vu n’avait pourtant rien d’une chute : c’était une étreinte.
L’Italie s’est envolée vers la finale, oui… mais moi, comme tous les Belges présents à Bologne ou devant leur télévision, j’ai vu une équipe se tenir solidaire, fraternelle, aimante, autour d’un homme à terre.
Un homme qui a donné absolument tout : Zizou Bergs.
Lorsque Zizou s’est effondré, lessivé, vidé, détruit et pourtant magnifique, toute l’équipe belge s’est précipitée sur lui.
Pas pour le relever tout de suite.
Non, pour tomber avec lui.
Pour dire : « Tu n’es pas seul. Tu n’auras jamais à l’être. Tu ne le seras jamais.»
Et dans ce tas de cœurs saignants empilés, un visage n’a échappé à personne.
Celui de Steve Darcis.
Dix ans plus tôt, en 2015, il était au centre du même cercle, des joueurs différents, certes, mais le même esprit. Il venait de gagner le match décisif contre l’Argentine, envoyant la Belgique en finale de la Coupe Davis.
Et toute l’équipe lui était tombée dessus dans un moment devenu iconique : un amas de joie, de sueur, de cris, de soulagement, de fraternité.
Vendredi, la posture était la même.
La symbolique, bouleversante : le joueur que l’on portait est devenu celui qui porte.
Steve Darcis n’a pas changé.
Le costume, oui, le cœur, jamais.
Hier, on l’embrassait parce qu’il avait gagné.
Aujourd’hui, il embrasse parce que ses joueurs ont perdu.
Mais le geste, lui, reste identique : transmettre. Serrer. Rassembler.
Parce que c’est cela, au fond, la Coupe Davis.
Pas un trophée.
Pas un score.
Pas une finale ou une demi.
C’est une promesse :
« Tu peux tomber. Nous, on tombe avec toi et on se relève ensemble »
Zizou a eu sept balles de match lors d’un match qui a marqué les esprits, qui a bouleversé la nation, qui a livré le 6ème plus long tie-break de l’histoire de la Vieille Dame.
Raphaël Collignon a eu une balle de break qui aurait peut-être changé son match qu’il a assez mal, de son propre aveu, négocié. Les Red Aces, pour généreux qu’ils soient, sont toujours lucides et savent reconnaître quand cela ne va pas. C’est cela, aussi, qui les rend si attachants.
Ils ont tout donné. Jouer mal, jouer bien, ce n’est pas important. Ce qu’il faut, c’est se vider les tripes.
« Montrer qu’ils en ont », disait le capitaine.
ils en ont.
Et, oui, ils ont tout donné.
Exactement comme Goffin et Darcis avaient tout donné en 2015 et 2017.
Exactement comme Dewulf l’avait fait en 1997. Ou comme Van Garsse en 1999.
Comme Washer et Brichant en 1957.
Comme Van Herck, comme Mignot, comme Hombergen, comme Goossens, comme Wuyts, comme Daufresne, comme Bemelmans, Rochus, Vliegen, Norman, Malisse, comme tous ceux qui, un jour, ont mis leur âme dans un maillot qui n’était pas encore celui des Red Aces mais qui en dessinait déjà les contours.
Comme tant d’autres joueurs belges qui ont écrit l’histoire du tennis belge.
Gagner ou perdre ?
Ce n’est pas ce qui reste.
Ce qui reste, c’est la façon de se battre.
Ce qui reste, c’est la façon de se tenir debout après être tombé.
Ce qui reste, c’est une équipe qui vit ensemble, respire ensemble, souffre ensemble.
Les Red Aces ne sont pas une parenthèse.
Ils sont une filiation.
Ils sont les héritiers de Washer, de Brichant, de Dewulf, de Van Herck.
Ils sont les fils de Goffin et de Darcis.
Ils sont la continuité d’un pays petit en taille mais immense en talent, envie, volonté, solidarité.
Qui n’a jamais cessé de croire que le courage peut renverser les montagnes.
La Belgique n’a pas gagné à Bologne.
Mais elle a confirmé une certitude :
Quand un joueur belge tombe, il n’est jamais seul. Et quand il se relève, il le fait avec et grâce à ses potes.
Et c’est pour cela qu’un jour – peut-être bientôt, peut-être très bientôt – ils iront chercher ce Saladier d’Argent qui, décidément, n’a jamais semblé aussi proche.
Et s’ils ne le décrochent pas ce saladier qui est en réalité un plat à punch, personne, jamais, ne pourra dire qu’ils n’ont pas tout donné pour y arriver.
Merci les Red Aces, merci capitaine, merci le staff, merci pour cette campagne exceptionnelle.
