Retour

David Goffin l’insupportable qui mérite tant d’être supporté et Raphaël Collignon, que l’on va soutenir longtemps

Lettre ouverte à David, Raphaël et au public belge

Cher David,
Cher Raphaël,
Chers supporters du tennis belge,

David.
Pour la Belgique, tu es bien plus qu’un nom : tu es le joueur le mieux classé de notre histoire, numéro 7 mondial à ton apogée.
Tu as vécu des moments sublimes — des victoires sur les plus grands, une constance pendant des années.
Mais aussi des creux.
Une carrière en dents de scie, marquée parfois par l’incertitude, par ces jours où l’on ne sait plus si la flamme brûle encore.

Je le dis : ton langage corporel est parfois hermétique.
Tu marches, tu soupires, tu baisses la tête.
Par moments, on peut lire dans ta posture l’idée que tu n’as plus envie de jouer.

C’est pour cela que j’écris « insupportable », parce que tu es difficile à supporter, pas parce que tu es insupportable dans le premier sens du terme ;-) J’avais d’ailleurs déjà écrit cela à Xavier Malisse…
Mardi, à l’European Open, ta prestation a frustré.
Tu l’as admis : « C’est le genre de match qui pourrait me donner envie d’arrêter. »
Ce désarroi, je l’ai vu, senti, jamais je ne t’avais vu aussi triste sauf peut-être quand tu as perdu contre Andy Murray en finale de Coupe Davis à Gand.
Il m’a ému. Il nous a touchés.

Mais toi, David, tu mérites qu’on soit là — même quand l’ombre du doute t’assaille, nous assaille.
Parce que ce que tu es, ce que tu as déjà réalisé, ne s’effacera jamais.
Ton histoire tennistique n’est pas finie.
Et même si elle devait s’arrêter, et elle le fera fatalement un jour, elle resterait l’une des plus belles de l’histoire du tennis belge.

Tu portes cette blessure — physique ou mentale — que seuls ceux qui ont beaucoup donné connaissent.
Mais aussi cette force intérieure que seul un champion peut entretenir.
Tant de fois, tel un phénix, alors que certains te pensaient éteint, tu as réussi à renaître de tes pseudo-cendres.
On l’a encore vécu à Shanghai, où tu as battu un Top 10 : le 21e (!) de ta carrière.

Alors je t’écris :
Continue. Si tu en as envie et malgré les railleries.
Rappelle-toi pourquoi tu es entré dans ce sport.
Rappelle-toi que tu as été adoré, qu’on t’a supporté pour ta ténacité, ta capacité à te surpasser.
Et que ce soutien, même silencieux, même critique parfois, n’est jamais un jugement (sauf pour certains crétins que tu dois ignorer), mais un appel à te retrouver.

Les fans veulent te supporter, même quand tu es “insupportable”.

Toi, Raphaël, tu incarnes l’énergie, l’extraversion, l’envie visible.
À 23 ans, Liégeois comme David, tu as débarqué sur le grand circuit avec le feu aux yeux.
Tu es un joueur que le grand public ne connaissait pas il y a encore deux ou trois mois — et qu’il découvre aujourd’hui avec plaisir, amusement, curiosité et, déjà, passion.

Il faut dire que tu fais fort depuis quelques semaines :
tu viens de remporter tes premiers matches en Grand Chelem à l’US Open,
de battre un top 15 (Casper Ruud),
de t’imposer en Coupe Davis face à un Top 10 (Alex De Minaur) et de qualifier, avec Zizou, Kimmer, Joran et Sander, la Belgique
de surprendre ton copain Zizou Bergs à l’European Open,
et de te qualifier, hier, dans une ambiance de feu, pour les quarts — une première pour toi — d’un ATP 250.
Et, dingue, tu le fais chez toi. Ou presque. À l’European Open de Bruxelles.

Il y a chez toi cette lumière, cette flamboyance : pas toujours maîtrisées, parfois excessives, mais toujours sincères.
Tu as dit que David était une idole.
Que jouer à ses côtés en double était un rêve de gosse.
C’est beau. C’est humble.

Mon souhait pour toi, Raphaël : puise dans l’histoire de David, mais trace ta propre route..
Prends ce qu’il y a de meilleur dans son vécu — les victoires, les leçons — et évite les pièges du découragement, du silence.

Tu es le “soutenable”, celui qu’on a envie de supporter longtemps.
Pas parce que tout est facile pour toi, mais parce que ta posture dit : je vais jouer, je vais donner, je vais aller le plus loin possible.

David, Raphaël : deux visages d’un même rêve belge (qui est aussi habité par les Bergs, Blockx, Onclin, Bailly, Vliegen, Gille et tant d’autres trop souvent mis dans l’ombre, pour ne parler que des messieurs).
L’un, éprouvé par le temps et les blessures, mais riche de mémoire, de combativité — parfois cachée, toujours réelle — et de talent.
L’autre, flamboyant, ambitieux, plein de promesses, appelé à construire sa stabilité mentale et sa communication autant que son palmarès.

À vous deux, que j’ai eu le plaisir de connaître très jeunes, que j’ai le bonheur de suivre depuis vos débuts, que j’ai encore la joie, souvent, de croiser, je dis ceci :

David — ne laisse pas le doute consumer ce que tu as de plus fort.
Tu as mérité d’être supporté.
Même dans la tempête, il reste des fidèles.
Plus nombreux que tu ne le crois mais hélas !, moins bruyants que les imbéciles qui te critiquent sans rien connaître.

Raphaël — sois la continuité, la relève, mais aussi l’architecte de ton destin.
La nature et ton travail t’ont donné un outil — ton corps — qui correspond au tennis moderne.
Utilise-le, mais préserve-le.
Ne perds pas (trop) d’énergie dans les futilités.
Ne provoque pas l’arbitre quand c’est inutile.
Ne te livre pas (trop) dans les médias.
Ne dévoile pas tes faiblesses.
Mais reste, évidemment, l’être généreux et fougueux que tu es.

Et à tous les spectateurs, supporters, fans de tennis belge :
apprenons à supporter l’insupportable — celui qui doute, qui vacille —
et à chérir le soutenable — celui qui semble solide mais qui, chaque jour, doit encore gagner son avenir.

Continuez à les soutenir.
Car ce sont des hommes.
Des joueurs.
Et ce chemin, je veux, nous voulons le parcourir avec eux.